Celle qui m'a fait naître maman, Naomie
Ta naissance au Petit Prince, le 04.08.2011
En ce 3 août, j’ai dépassé mon terme de trois jours, cette attente est longue. J’ai plus ou moins tout essayé ; vitres lavées, tisane de sauge, huiles essentielles, ostéopathie, câlins avec papa, et même les escaliers de la cathédrale St-Nicolas !!! C’est visiblement la marche rapide qui semble être efficace et voilà trois soirs que nous partons marcher derrière la maison jusqu’au village d’à côté en passant par la forêt.
C’est une ballade de plus que nous entamons avec ton papa ce soir, il est environ 19h30 à notre départ. Comme les autres soirs, les contractions sont présentes durant toute l’heure. De retour une heure après à la maison, elles ne s’arrêtent pas cette fois-ci, contrairement aux autres soirs. Je décide de prendre un bain vers 22h pour voir si elles s’arrêtent ou non, et à ma grande joie, elles ne s’arrêtent pas. Je suis certaine que c’est pour cette fois et cela me remplit le cœur de bonheur. Elles arrivent toutes les 10 minutes, me laissant le loisir d’être totalement avec ton papa et d’échanger sur ton arrivée toute proche.
Vers minuit, les contractions s’intensifient et se rapprochent, m’empêchant désormais de tenir une conversation. Dominique décide d’appeler la maison de naissance pour les prévenir. Anne-Marie conseille un bain, en proposant de rappeler dès que nécessaire. Elle estime que ce n’est pas pour cette nuit, probablement demain matin. Nous nous couchons, et je fais des allers-retours aux WC, me sentant comme sous l’effet d’une gastro. Durant tout mon bal entre lit et WC, je vis dans ma bulle cette future rencontre avec toi, j’observe avec délice et amour ce futur papa qui dort. Les contractions se rapprochent et s’intensifient encore et cela me rend si heureuse ! C’est très intense, mais j’accepte et entre avec plaisir dans chaque contraction car je sais qu’elle m’amène vers cette rencontre.
Le petit matin se lève, j’entends le chant des oiseaux, il est 5 heures. Mon amoureux se réveille, il comprend qu’il n’ira pas travailler aujourd’hui et il s’active dans la maison. Je ne peux pas échanger avec lui, j’entends toutes ses questions, je connais les réponses, mais il est impossible pour moi d’assembler les mots pour en faire des phrases et verbaliser. Tant pis, il gérera sans moi ! Les contractions sont désormais aux 3-5 minutes. Je perds le fil jusque vers 11h00, heure à laquelle ton papa me suggère qu’on rappelle la maison de naissance, ce qu’il fait. Anne-Marie est surprise d’avoir de nos nouvelles, elle imaginait que le travail s’était arrêté et nous propose donc de venir pour un contrôle. Le moment du trajet de mon canapé à la voiture et de la maison jusqu’au Petit Prince restera gravé dans ma mémoire ! Ces 2 trajets m’ont paru insurmontables, c’est comme si je devais défaire la bulle, l’espace sacré que j’avais créé durant toutes ces heures et qui me rassurait. Après un arrêt à la station essence Coop Pronto à Matran, on file jusqu’à Givisiez, il est midi. Je me souviens très bien du moment où j’ai posé les yeux sur cette immense et vieille bâtisse, que nous connaissions si bien pour y avoir passé environ 2 heures chaque mois. Je crois que c’est à ce moment que j’ai vraiment intégré le fait que j’allais être maman tout bientôt.
On s’installe dans cette salle, je reconnais tout de suite l’odeur familière du lieu et bien que je sois un peu sortie de ma bulle, je m’y sens vraiment en sécurité. Anne-Marie me pose un monito pour 40 minutes afin d’écouter ton petit cœur, durant ce temps, on fait remplir la baignoire. Anne-Marie nous demande comment nous nous y sommes pris à la maison durant toutes ces heures avec l’haptonomie. Nous réalisons que nous n’y avions même plus repensé tant les choses se sont enchaînées naturellement. A la fin du monito, un examen effectué avec douceur nous renseignera que le col est déjà dilaté de 5cm !!! C’est une immense victoire pour moi, la moitié du chemin nous séparant de toi est fait. Anne-Marie nous guide pour que ton papa puisse accompagner les contractions avec tout son amour et sa présence. Nous entrons dans l’eau et c’est un réel délice ! La chaleur de l’eau m’aide instantanément à me détendre, et l’annulation de l’apesanteur dans mon corps me soulage beaucoup. Ton papa est incroyable, il est là, collé contre nous, dans l’eau, nous embrassant à chaque contractions (passées aux 3 minutes) ! Je l’aime tant, je le lui dis souvent et lorsque j’ouvre les yeux et que je me plonge dans les siens, je ne peux m’empêcher de penser que nous allons être parents tout soudain : « On va avoir un bébé, tu te rends compte ? »
Les contractions sont de plus en plus intenses, parfois je perds pied et me noie totalement dans ces vagues si puissantes. Je sais qu’il ne sert à rien de vouloir flotter, nager ou respirer dans cette tempête. La seule chose que je puisse faire est d’accepter de me laisser submerger, oser les accueillir, les embrasser, leur laisser de la place car chacune d’elle me rapproche de notre rencontre. Je n’ai jamais peur, je sais que je ne suis pas seule, tu fais ton chemin et ton papa est toujours là, infaillible, solide comme un roc sur lequel je peux me reposer. Sa présence et son amour sont tels que je sais qu’il ne m’arrivera rien et que je peux avoir confiance en NOUS. A aucun moment je n’ai le souvenir d’avoir souffert, ni même d’avoir eu mal. J’ai ressenti énormément d’amour et de joie, ainsi qu’une intensité de sensations mais jamais de douleur. Je me souviens par contre avoir totalement paniqué à deux reprises, deux moments durant lesquels mon chéri est sorti de l’eau pour boire, manger et passer aux WC. Ces moments ont été pour moi de réelles sources d’angoisse parce que je ne me sentais aucunement capable de vivre une contraction sans sa présence physique contre moi. Comme je me plais à le dire, ton papa à été ma péridurale et imaginer devoir affronter cela sans lui était très dur.
Anne-Marie était là par intermittence (elle gérait les consultations de la journée), mais il y avait avec nous Charlotte tout au long de ce chemin. Une jeune sage-femme française, stagiaire en Suisse pour quelques semaines d’une douceur incroyable et avec un tact immense. Ses paroles et son regard surtout m’ont été d’une aide précieuse au moment de la fameuse phase de désespérance. Je m’en souviendrais longtemps, il devait être 18 heures, cela faisait donc près de 22 heures de travail et Anne-Marie a réexaminé mon col : 9 cm !!! C’était une nouvelle magnifique, et en même temps, je n’en pouvais juste plus, je me suis sentie à ce moment là incapable d’y arriver, épuisée. J’aurais juste voulu que tout s’arrête et qu’on rentre dormir. Je me souviens précisément avoir ouvert les yeux, toujours dans ma baignoire, ton papa derrière moi et être tombée dans le regard de Charlotte à genoux devant la baignoire sa main sur la mienne. Mes yeux lui ont dit : « Je n’en peux plus, je n’y arriverai pas, aide-moi ». Elle a tout compris et m’a juste répondu : « Tu fais tout juste, tu es forte, je sais que c’est difficile et que tu en as marre. Ça va aller, ton bébé sera là bientôt. » Être entendue, comprise et respectée, voilà ce que Charlotte m’a donné à ce moment précis. C’est bien simple et pourtant, c’est précisément de cela dont j’avais juste besoin pour me rebooster. Quelques jours plus tard je lui dirais : « Je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé, mais j’ai pu puiser dans ton regard une force de fou pour accepter de continuer. » Deux mois plus tard je recevrais un sms de Charlotte : « J’ai compris ce que tu as puiser dans mes yeux, j’étais juste enceinte de trois semaines le jour de la naissance de Naomie, je viens de le découvrir. »
Il est 19 heures, Anne-Marie propose de rompre la poche qui bombe beaucoup et peut rendre la fin du travail plus longue. Chose qu’elle fait dans la baignoire, puis elle nous propose d’en sortir. C’est une réelle partie de marathon de devoir sortir de l’eau. Les sensations sont encore plus intenses, la dilatation est complète et commencent les contractions de poussées, mais entre chacune des vagues, je peux me détendre si intensément que je récupère un peu de force pour affronter la suivante. C’est l’équilibre parfait. On se met à terre pour quelques contractions à 4 pattes, mais cela ne me convient pas du tout. On passe sur le lit, couchés sur le côté, ton papa toujours collé contre nous à accompagner le travail des contractions. Je me souviens des mots d’Anne-Marie à deux reprises durant lesquelles j’ai perdu le lien avec toi et me suis mise à crier « Reste là, avec ton bébé ! ». Je n’ai jamais crié durant ta naissance, mais plutôt effectué des vocalises basses.
La puissance des contractions de poussées me scotchent sur place, c’est irrépressible, incontrôlable, instinctif et sauvage ! Impossible de faire autre chose que suivre cette puissance, impossible de faire faux, le corps sait. Il est 20 heures, lorsque ton cœur montre quelques signes de fatigue, cela fait maintenant 2 heures que je suis à dilatation complète et ta tête avance, mais ne parvient pas à se fixer. Anne-Marie nous propose de nous installer sur une chaise, ton papa est assis sur un fauteuil, je suis assise sur lui, les pieds posés sur deux escabots. Il se passe ainsi trois contractions et elle nous propose son dernier joker avant d’envisager un transfert : le miroir. A ce stade-là, la douleur du cercle de feu apparaît et c’est pour moi le SEUL moment de douleur durant toutes heures. C’est simplement impossible à décrire, cette sensation de brûlure juste là, au creux de mon intimité, je vais exploser !!!
Maintenant, je n’ai plus d’autre objectif que te voir arriver, alors qu’elle le mette son miroir si elle pense que cela pourra aider. Un grand miroir est posé devant nous, dès lors, impossible de retenir mon désir de te voir enfin.
A chacune des poussées, je vois ta tête qui avance !!! C’est tellement époustouflant, et incroyable !!! Je dépose ma main sur le sommet de ton crâne et me promet qu’à la prochaine c’est bon. Une terrifiante idée de déchirure me traverse l’esprit en voyant ta tête qui bombe derrière ce minuscule espace, mais tant pis, il faut que je te sorte. Alors j’accepte de m’ouvrir vraiment, de mourir un peu, d’entrer dans ce cercle encore plus intensément, de laisser la femme pour devenir Mère, de sauter dans le vide vers cette Vie à trois avec ton papa.
Il est 20h12, cette phrase d’Anne-Marie me transperce encore jusqu’au cœur : « Viens chercher ton bébé !!! ». Ta tête passe, puis doucement tes épaules et je t’attrape, te pose sur mon épaule, tout contre le visage de ton papa. Ton corps est tout chaud, secouée par le mien qui n’en finit plus de pleurer : « Tu es née, mon bébé, mon bébé, mon bébé ! ». Je n’en reviens pas, nous avons réussi, nous sommes parents !!! Au bout de bien trois minutes, je réalise que je ne sais même pas si tu es une fille où un garçon, je soulève le petit linge et repars dans des larmes de bonheur : « Ma fille, ma petite fille, oh mon Dieu ! ».
Tu es née, tu m’as permis de devenir Femme et mère, mais aussi de renouer confiance avec l’homme. Tu es née alors que j’étais soutenue physiquement et émotionnellement par celui qui devenait ton papa. Je n’aurais jamais été capable de te donner naissance sans lui. Je l’aime tant !!! Mon amour, mon pinou, je t’aime MERCI. Et toi, tu es si magnifique ! Tu ne pleures déjà plus, on s’installe sur le lit, le placenta est expulsé. On te dépose sur mon entre-jambe et doucement, en dix-quinze minutes, tu vas ramper pour te hisser jusqu’à mon sein et téter. Cette sensation est si dingue, à peine née, tu sais déjà téter, je suis ébahie et j’ignore que c’est le début de plus de six ans d’allaitement cumulés. Puis tu restes là, les yeux grands ouverts, sans larmes, à découvrir le monde.
Je t’aime Naomie, si fort, merci de nous avoir choisi, merci de m’avoir permis de me découvrir et me rencontrer vraiment.
Ta maman